Ukraine : Poutine débordé par les Ukrainiens pro-russes à cinq jours d’un sommet sur la crise de Crimée ?
Il y a dix jours, les Occidentaux s’inquiétaient de la possible menace sur la région d’Odessa qui pourrait avoir une incidence sur le projet de terminal de livraison du gaz GNL. Ce projet permettrait de ravitailler l’Ukraine en gaz sans dépendre de Moscou et il est donc dans le viseur des russes. Cependant, ces derniers jours, c’est l’Est du pays qui est en proie à des manifestations anti-Kiev revendiquant l’indépendance et le rattachement à la Russie. Un phénomène à double tranchant.
C’est à Donetsk et à Slaviansk que les activistes pro-russes se sont illustrés en prenant possession de plusieurs bâtiments publics. Des paramilitaires se sont emparés d’un commissariat à Slaviansk et du siège des services de sécurité selon la police. Les forces de l’ordre présentes sur place semblent, à ce sujet, soutenir par leur inaction plusieurs de ces mouvements dans certaines villes de l’est de l’Ukraine. Ainsi les quelques membres de la police anti-émeute dépêchés à Donetsk pour protéger le siège de la police ont laissé environ 200 personnes s’emparer du bâtiment. Alors que le premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk s’est rendu sur place la veille, cette visite n’a pas calmé les esprits. Les annonces officielles d’équilibre des pouvoirs entre Kiev et les régions, et de protection des statuts des langues autres que l’ukrainien avant les présidentielles du 25 mai n’ont pas non plus suffit.
Ce deuxième point est important car il s’agit pour Kiev de revenir sur les annonces précipitées des nationalistes à Maidan, qui avaient déclaré qu’ils allaient supprimer la langue russe en Ukraine. Cette annonce avait mis le feu aux poudres en Crimée et il est capital pour le gouvernement central ukrainien de ne pas laisser la situation se répéter. Le premier ministre s’est montré conciliant en affirmant qu’il n’y a pas de voie pour la force et en proposant l’amnistie à tous ceux qui déposent les armes. Sans succès. Les protestants réclament toujours une fédéralisation du pays dans l’espoir de pouvoir ensuite voter l’indépendance et le rattachement à la Russie.
Alors que, selon l’OTAN, Moscou a massé environ 40 000 hommes à la frontière ukrainienne, le serment de Poutine de protéger « à tous prix » les populations russes de l’ex-URSS pourrait lui jouer un mauvais tour.
En effet, si cette mécanique du référendum lui a permis de faire main basse sur la Crimée, région stratégique, cette même mécanique est actuellement utilisée par les ukrainiens pro-russes pour faire exploser le pays et être rattaché à la Russie. Or, si jusqu’ici la situation est restée en équilibre précaire à l’avantage de la Russie et les sanctions occidentales légères et ciblées, une dissolution de l’Ukraine et l’absorption de la moitié du territoire par Moscou déclencherait des réactions beaucoup moins mesurées. Toutes l’Europe de l’est se sentirait menacée et réclamerait une intervention militaire de l’OTAN. L’équilibre à l’avantage des Russes deviendrait une crise mondiale avec une Russie complétement isolée, lâchée récemment par la Chine sur ce dossier. A cinq jour d’un sommet Russie, Union européenne, Etats-Unis, Ukraine à Genève, il n’est pas sûr que les initiatives des pro-russes, si elles se concrétisent, fassent le jeu de Poutine.